Secret bancaire : la France doit refuser le miroir aux alouettes suisse !

Tribune publiée sur Le Monde.fr le 12 octobre, cosignée par Pascal Canfin (député européen EELV), Pierre-Alain Muet (député, PS) et Nicole Bricq (sénatrice, rapporteure générale de la commission des Finances, PS).

L’Allemagne et le Royaume-Uni viennent de signer un marché de dupes avec la Suisse : en échange d’un paiement immédiat pour régler les fraudes passées et d’un futur prélèvement à la source sur les placements en Suisse de leurs résidents, les banquiers helvètes pourront conserver l’anonymat de leurs clients. C’est-à-dire leur secret bancaire.

Certes, en payant, tout de suite et demain, les banquiers suisses vont contribuer à remplir de quelques milliards les caisses d’Etats qui en ont bien besoin. C’est le raisonnement que semble désormais suivre le gouvernement français. Madame Valérie Pécresse, la ministre du Budget, dit ne pas être intéressée mais elle a reçu récemment Monsieur Michael Ambühl, le secrétaire d’Etat suisse chargé de faire la promotion de ce genre d’accord baptisé Rubik. Quelques jours plus tard, plusieurs députés de la majorité faisaient voter un amendement au projet de loi de finances rectificatif demandant au gouvernement d’étudier les avantages et inconvénients de Rubik…

La France doit refuser de s’engager dans cette voie. D’abord, parce que les banquiers suisses réclament des contreparties exorbitantes : les pays acceptent de limiter le nombre de leurs demandes d’informations au fisc suisse, d’améliorer l’accès des banques helvètes à leur marché et renoncent à poursuivre pénalement les employés de banques suisses qui seraient pris la main dans le sac de promotion d’évasion fiscale ! Ensuite, ces accords détruisent tous les efforts actuellement en cours au niveau européen pour instaurer un échange automatique d’informations fiscales entre pays : le Luxembourg et l’Autriche qui freinaient des quatre fers s’appuient désormais sur ces accords pour justifier le maintien de leur secret bancaire. Enfin, la France ne peut accepter cette amnistie fiscale de fait et déléguer aux banquiers suisses le soin de prélever l’impôt à notre place !

Une autre voie existe, à l’instar de ce qu’a mis en place les Etats-Unis. En 2009, avec UBS et cette année, avec Crédit Suisse, le fisc américain a réussi, par la pression, à obtenir des informations sensibles sur les comptes suisses des résidents américains. A partir de 2013, une nouvelle loi va forcer les établissements financiers étrangers à révéler l’identité de leurs clients américains. Ceux qui refuseront de le faire feront l’objet d’une taxe de 30 % sur l’ensemble de leurs revenus locaux. C’est, concrètement, la mise en place d’un échange automatique d’informations fiscales entre les banquiers et le fisc américain. Rien n’empêche la France d’adopter une loi équivalente.

Le G20 de Cannes approche : la France doit s’inscrire en pointe dans la lutte contre les paradis fiscaux et rappeler que «les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée ».