Une réforme non financée
La disparition du bouclier fiscal est elle à mettre en rapport avec l'allègement de l'ISF et il faut noter au passage que le triptyque voire la tétralogie chers au rapporteur général ne sont plus centraux dans le débat au Sénat, sinon au détour d'un amendement d'appel du Président Arthuis.
Ce vis-à-vis bouclier fiscal - ISF (+700M€ d'un côté / -1Mds8€ de l'autre) met en lumière le déséquilibre financier qui en résulte, au delà même de la disparition progressive du bouclier qui coutera encore 500M€ en 2012 et 300M€ en 2013, alors que l'allègement de l'ISF sera pleinement effectif en 2012. Le rapporteur général estime qu'il faudrait 3 à 400M€ supplémentaires pour financer la réforme en 2011 et 2012. Mais il accepte l'argument gouvernemental qui consiste à financer "une dépense temporaire par une recette exceptionnelle", celle issue de la lutte contre l'évasion fiscale, soit 300M en 2011, 390M en 2012 et 210M en 2013. Toutefois il admet que s'il s'avérait qu'il y a un déficit permanent issu de la réforme, celui-ci devrait être couvert par des recettes fiscales "de caractère permanent". J'en conclus qu'il doute de l'équilibre financier de la réforme.
Mais il s'agit en l'état d'un financement étonnant car "les recettes issues du contrôle fiscal n'ont pas à être comptabilisées sans le financement d'une réforme" (selon l’Union SNUI-SUD Trésor Solidaires). Dans la mesure où le Directeur Général des Finances Publiques a qualifié la cellule de régularisation comme "une simple opération administrative" sans modification réglementaire ou législative, elle ne peut être considérée comme une mesure nouvelle propre à assurer l'équilibre financier d'une réforme.
Le Président Arthuis quant à lui regrette que le produit de la cellule ne soit pas affecté à la réduction du déficit. Il nous est indiqué que la cellule a permis la régularisation au titre de l'ISF des successions et de l'impôt sur le revenu, ce qui m'a amenée à demander en commission qu'il soit rappelé au Gouvernement que le Sénat sera très attentif au respect de l'article 136 de la Loi de Finances qui introduit de la transparence dans le traitement des demandes de coopération avec des pays ayant signé des conventions avec la France pour disparaitre de notre liste des États et Territoires Non Coopératifs dont la dernière version a été publiée ce 29 avril. Le produit des sanctions dues devra être indiqué au Parlement ainsi que son affectation.
Quoiqu'il en soit, votre réforme n'est pas financée. Quant à la sauvegarde de nos finances publiques le Président Arthuis n’en a pas fini avec ses regrets.
Un besoin crucial de recettes
En définitive, vous prenez le risque de substituer à une recette dynamique, celle de l’ISF (+11% par an depuis 2002), une recette qui l’est deux fois moins (DMTG). Mr le Président vous avez qualifié l’ISF d’impôt dogmatique, nous pensons qu’il est moderne car déclaratif et s’il fallait l’améliorer il faudrait en revoir l’assiette afin de l’élargir en supprimant les niches qui depuis 2008 n’ont pas permis de développer un réseau de PME solides, innovantes et exportatrices. La France a un cruel besoin de ces recettes. La gymnastique de compensation de l'allègement de l'ISF à laquelle vous vous livrez est particulièrement illustrée par la recherche du gage pour absorber la disparition de la taxe instaurée sur les résidences secondaires des Français de l'étranger. A ce jeu de pistes, vous allez attraper des courbatures !
Afin de respecter la loi de programmation des finances publiques il faut que le gouvernement dégage en 2012 au moins 1,2 milliards de ressources supplémentaires dont 600 millions pour couvrir la trésorerie générée par le présent projet de loi.
Il faut ici parler de l’impact de la mise en place de la prime de partage de la valeur ajoutée inscrite au PLFRSS qui aboutit à la création d’une nouvelle «niche sociale» non compensée d’une part et d’autre part des pertes de recettes au titre de l’IS à hauteur de 395 millions en 2011 et de 785 millions en 2012.
Cette mesure à ce stade n’est pas prise en compte dans les réévaluations de recettes opérées par le projet de loi de finances rectificative.
Tout cela relativise votre discours de la semaine dernière sur l’impérieuse nécessité à inscrire en lettres d’or la vertu de l’équilibre budgétaire dans la Constitution...
Un PLFR offre l’occasion de réviser l’équilibre budgétaire, en effet, le solde général se dégrade et le 1er trimestre 2011 constate un écart négatif de -4,4 milliards par rapport au 1er trimestre 2010.
Le grand silence du PLFR
Monsieur Bertrand, qui va défendre la semaine prochaine les vertus d’une nouvelle niche dans le PLFRSS, s’est ému la semaine dernière de la persistance de «rémunérations extravagantes», il menace de les encadrer et de les taxer, il a reçu le renfort du Premier ministre qui se déclare «choqué» des rémunérations de certains dirigeants, mais de ces expressions de matamore nous ne retrouvons aucune conséquence dans ce PLFR.
Le gouvernement avait pourtant une feuille de route tracée par la directive dite CRD3, il l’a transposée en n’en respectant ni la lettre - l’encadrement de la rémunération des directeurs généraux a disparu dans l’arrêté ministériel - ni l’esprit - le rapport «équilibré» entre fixe et variable est devenu simplement «approprié» dans l’arrêté.
Eh bien j’invite nos collègues qui pourraient être «choqués» par ces «rémunérations extravagantes» de ne pas attendre et de voter les amendements du groupe socialiste que nous soutiendrons.
En conclusion, nous ne pouvons ignorer le contexte de crise dans lequel se débat l'Union Européenne. Je veux évoquer ici le débat qui mobilise Parlement et Commission sur le paquet "gouvernance économique" et la crise grecque.
Nous considérons que pour soutenir la croissance et l’emploi, il est nécessaire de renforcer la gouvernance économique de la zone. Nous estimons néanmoins que l’orientation dépressive détourne les Etats membres des objectifs pourtant définis par la stratégie UE2020.
Dans le cadre de la proposition de résolution européenne que nous venons de déposer, avec François Marc et l'ensemble du groupe socialiste, nous rappelons nos priorités et invitons le Gouvernement à peser dans les négociations en cours pour protéger les dépenses d'avenir, intégrer la ressource publique, et non simplement la dépense, dans l'appréciation du déséquilibre budgétaire des Etats membres et réviser les rythmes de réduction des déficits et de la dette.
Du moment où la croissance mondiale se ralentit l'Europe se débat dans ses difficultés qui paralysent l'action politique malgré les déclarations qui se veulent rassurantes. Les marchés financiers redoutent autant les risques de défaut des états que les crises d'austérité qu'ils inspirent, les banques européennes sont fragilisées et le risque d'un Lehman Brother "rampant". Face à cela, le trio France - Allemagne - BCE tire à hue et à dia. Et si l'on arrive à un accord, on n'aura fait un an après l'alarme de mai 2010, que donner un peu de temps à la Grèce de réduire ses déficits alors même qu'elle est en récession."